Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/118

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premier refus, répandit une joie dans l’âme du comte de Canaple qu’il n’avait jamais éprouvée. Madame de Granson se reprochait ce qu’elle venait de faire. Embarrassée de ce qu’elle devait dire, elle gardait le silence, quand M. de Granson vint encore augmenter son embarras. Elle lui laissa le soin de remercier M. de Canaple du secours qu’elle en venait de recevoir ; et, sans lever les yeux, sans prononcer une parole, elle remonta dans son chariot.

M. de Canaple, qui n’était plus soutenu par le plaisir de voir madame de Granson, s’aperçut qu’il avait été blessé en arrêtant les chevaux. Comme il avait peine à monter à cheval, M. de Granson lui proposa d’aller se mettre dans le chariot de sa femme. Mais, quelque plaisir qu’il eût trouvé à être plusieurs heures avec elle, la crainte de lui déplaire et de l’embarrasser lui donna le courage de refuser une chose qu’il aurait voulu accepter aux dépens de sa vie.

Madame de Granson fut pendant toute la route dans une confusion de pensées et de sentiments qu’elle n’osait examiner. Elle eût voulu, s’il lui eût été possible, ne se souvenir ni des offenses ni des services du comte de Canaple. L’accident qui lui était arrivé, en lui fournissant le prétexte de garder le lit, la dispensa de le voir.

Les témoignages que M. de Canaple rendit de M. de Granson, en le présentant au roi, lui attirèrent de la part de ce prince des distinctions flatteuses. Dès que M. de Canaple ne se crut plus nécessaire au service de son ami, il alla en Picardie rejoindre sa troupe. M. de Châlons, animé d’un désir qui n’était pas moins fort