Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/12

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est entièrement dans le genre des romans de madame de la Fayette, et rien n’en approcherait davantage pour le talent, si madame de Tencin n’avait fait le Comte de Comminge, le Siège de Calais, et les Malheurs de l’Amour ; mais ces trois productions, d’un mérite plus remarquable encore, ont été jugées dignes de prendre rang immédiatement après Zayde et la Princesse de Clèves.

On désire connaître la vie, le caractère, et jusqu’à la personne de ceux qui ont écrit. Je ne veux point frustrer ici un désir si naturel : je dirai quelle a été madame de Tencin ; mais, je l’avouerai, cette tâche n’est pas sans quelque difficulté. Je n’ai plus à peindre, comme je l’ai fait pour madame de la Fayette, cette heureuse union des qualités de l’âme et des dons de l’esprit, qui nous permet de ne pas séparer notre estime de notre admiration. L’amour et l’intrigue se sont partagé la jeunesse de madame de Tencin. On lui reprochera peut-être moins sévèrement sa conduite, lorsqu’on se rappellera qu’elle vivait sous la régence, à cette époque si souvent décrite, où les courtisans, jetant le masque de la dévotion dont ils s’étaient couverts pendant les dernières années du règne de Louis XIV, passèrent tout-à-coup de la dissimulation à l’effronterie, de la retenue à la dissolution, de la débauche cachée à la débauche ouverte, et où la licence, plus grande à mesure que le rang était plus élevé, allait porter l’émulation du vice et la honte de la vertu dans toutes les classes de la société. Peu d’âmes résistèrent à cette épidémie morale ; celle de madame de Tencin en fut atteinte. Qu’eussé-je gagné à taire cette vérité que tant