Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/13

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’autres ont divulguée ? Mon silence n’eût point réhabilité sa mémoire ; et d’ailleurs, on ne voit pas que jusqu’ici les torts de la femme aient diminué aux yeux de personne le mérite de l’écrivain. Au reste, si je crois devoir à l’exactitude historique de rappeler les fautes de madame de Tencin, on n’aura point à me reprocher d’en avoir étendu complaisamment le récit, et d’avoir été chercher dans des sources suspectes, ces anecdotes scandaleuses qui font le charme de tant d’ouvrages et les délices de tant de lecteurs. Je puiserai la plupart de mes faits dans Duclos, dont la causticité un peu cynique n’a jamais passé pour s’être exercée aux dépens de la vérité, et qui, ayant été l’ami et le confident de madame de Tencin, n’est que trop croyable dans ce qu’il a raconté d’elle.

Claudine-Alexandrine Guerin de Tencin naquit à Grenoble en 1681, d’Antoine Guerin, président à mortier au parlement de cette ville, et de Louise de Bufevant.

Ses parents la contraignirent à se faire religieuse dans le couvent de Montfleury, près de Grenoble. On sent combien peu l’état monastique devait convenir à une femme douée d’un penchant décidé pour l’amour et pour l’ambition. Cette dernière passion aurait pu trouver, dans les petites tracasseries du cloître, dans les préférences, dans les honneurs à briguer et à obtenir sur des compagnes, un aliment qui, jusqu’à certain point, nourrît ou trompât son activité ; mais il n’en était pas de même de l’amour. Toutefois, si la jeune religieuse ne voyait personne qui pût lui faire éprouver ce sentiment, elle ne renonçait point à l’inspirer ; et ce fut là ce qui lui donna les moyens de recouvrer sa