Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/124

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fille que les prières : Vous êtes plus sage que moi, lui disait-il ; essayez de triompher de vos sentiments ; obtenez de vous d’être un temps sans voir M. de Châlons ; si, après cela, vous pensez de même, je vous promets, et je me promets à moi-même, que, quoi qu’il m’en puisse coûter, je vous laisserai libre. Je ne puis, me dit mademoiselle de Mailly, refuser à mon père ce qu’il veut bien me demander, et ce qu’il pourrait m’ordonner. Comme je suis de bonne foi, je vous avouerai encore que je ferai mes efforts pour lui obéir ; je sens qu’ils seront inutiles ; vous êtes bien puissant dans mon cœur, puisque vous l’emportez sur mon père. Ah ! m’écriai-je, vous ne m’aimez plus, puisque vous formez le dessein de ne me plus aimer. Mademoiselle de Mailly ne répondit à mes reproches que par la douleur dont je voyais bien qu’elle était pénétrée. Nous restâmes encore longtemps ensemble ; nous ne pouvions nous quitter. Elle m’ordonna enfin de partir, et de lui laisser le soin de notre fortune : J’espère, me dit-elle, que je trouverai le moyen de satisfaire tous les sentiments de mon cœur.

Il fallut obéir : je vins en Bourgogne, où j’appris, au bout de quelques mois, que madame du Boulai avait épousé M. de Mailly. Je ne pouvais revenir de ma surprise, de ce que mademoiselle de Mailly ne m’avait point instruit de ce mariage : cette conduite, toute impénétrable qu’elle était pour moi, me donnait de l’inquiétude et de la douleur, et ne me donnait aucun soupçon.

Je lui avais promis de ne faire aucune démarche que de concert avec elle ; mais, comme je ne recevais