Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/125

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nulle nouvelle, je me déterminai à aller à Calais incognito. Quelque empressement que j’eusse d’exécuter ce projet, il fallut obéir à un ordre que le roi me donna d’aller à Gand, conférer avec le comte de Flandre. Dès que les affaires sur lesquelles j’avais à traiter furent terminées, je pris la route de Calais. Je me logeai dans un endroit écarté, et j’envoyai aux nouvelles un homme adroit et intelligent, dont je connaissais la fidélité.

Après quelques jours, il me rapporta que M. du Boulai était très amoureux de mademoiselle de Mailly ; qu’il en était jaloux ; que les assiduités de milord d’Arondel, qui avait paru très attaché à mademoiselle de Mailly pendant le séjour qu’il avait fait à Calais, lui avaient donné et beaucoup d’inquiétude et beaucoup de jalousie ; que M. de Mailly était parti pour la campagne avec toute sa famille.

Je savais que milord d’Arondel est un des hommes du monde les plus aimables ; il était amoureux de ma maîtresse, et cette maîtresse paraissait me négliger depuis longtemps : en fallait-il davantage pour faire naître ma jalousie ? Malgré ce qu’on venait de me dire, que mademoiselle de Mailly n’était pas à Calais, mon inquiétude me conduisit dans la rue où elle logeait. Il était nuit. Il régnait un profond silence dans la maison ; j’aperçus cependant de la lumière dans l’appartement de mademoiselle de Mailly ; je crus qu’elle n’était point partie, qu’elle était peut-être seule, et qu’à l’aide de quelque domestique, il n’était pas impossible que je ne pusse m’introduire chez elle. Le plaisir que j’aurais de la revoir, après une si longue absence, m’occupait si entièrement, qu’il faisait disparaître la jalousie que je