Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/14

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liberté. Son directeur, homme honnête et pieux, mais faible et peu éclairé, se laissa insensiblement subjuguer par les charmes de son esprit et de sa personne ; en un mot, il en devint amoureux, mais sans s’en douter, et croyant ne ressentir pour elle que cet intérêt tendre et pur dont la charité chrétienne et les liens de la paternité spirituelle lui faisaient doublement un devoir. Sa pénitente avait trop de pénétration pour se méprendre sur la nature de cet attachement, et elle conçut promptement quel parti elle en pouvait tirer. Ne songeant, depuis son entrée en religion, qu’à rompre un engagement auquel sa volonté n’avait point souscrit, elle obtint de son confesseur tous les renseignements, toutes les démarches qui pouvaient préparer l’exécution de son dessein ; et, lorsqu’elle vit les choses convenablement disposées, elle protesta contre les vœux qu’on l’avait forcée de faire, et demanda à en être relevée. On lui permit de sortir du couvent de Montfleury, après cinq ans de profession, et d’entrer, comme chanoinesse, au chapitre de Neuville, près de Lyon. C’était un grand pas de fait vers la liberté ; elle ne s’y arrêta pas. Elle quitta Neuville, et vint à Paris. Fontenelle l’y accueillit, prit intérêt à son sort, et sollicita pour elle le rescrit du pape qui devait la dégager de tout lien religieux, et la rendre entièrement au monde. Le rescrit fut accordé ; mais, comme on apprit à la cour de Rome qu’il avait été obtenu sur un exposé de faits peu exact, il ne fut point fulminé. Ce défaut de formalité n’en empêcha point l’effet, et madame de Tencin fut désormais aussi libre qu’elle avait souhaité de l’être.

Elle avait un frère qu’elle aimait passionnément (ce