Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/154

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’une lettre pour elle, qui n’avait point d’abord voulu dire son nom, mais qui fut obligé de m’avouer qu’il appartenait au comte de Canaple. De l’humeur dont il est, une si grande assiduité prouve beaucoup. Madame de Granson sentit à ce discours un trouble et une émotion qu’elle n’avait jamais connus. Elle n’avait plus la force de continuer la conversation, lorsque mademoiselle de Mailly entra.

M. de Vienne, qui avait plus de franchise que de politesse, ne craignit pas de l’embarrasser en lui répétant ce qu’il venait de dire à sa fille. Mademoiselle de Mailly ne put entendre sans rougir un nom qui était lié dans son imagination à celui de son amant. Mais on ne se retient guère sur les choses qui intéressent le cœur, surtout lorsqu’on peut s’y livrer sans se faire des reproches. Mademoiselle de Mailly, après avoir dit légèrement que M. de Canaple n’était point amoureux d’elle, se fit un plaisir de le louer des qualités qui lui étaient communes avec M. de Châlons, et le loua avec vivacité.

Madame de Granson l’avait vu jusque-là des mêmes yeux et plus favorablement encore ; mais de ce qu’il paraissait tel à mademoiselle de Mailly, il cessa de lui paraître le même. Maîtrisée par un sentiment qu’elle ne connaissait pas, elle ne put s’empêcher de contredire. M. de Vienne, qui trouvait sa fille injuste, prit parti contre elle. Mademoiselle de Mailly, fortifiée par l’autorité de M. de Vienne, soutint d’abord son opinion avec une chaleur peu propre à ramener madame de Granson ; mais, comme elle avait l’esprit dans une situation plus tranquille, elle se hâta de finir la dispute.