Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/16

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de dangers. Tandis que l’archevêque d’Embrun présidait le concile qui se tint dans cette ville en 1727, et où l’on déposa Jean Soanen, évêque de Senez, l’un des plus célèbres appelants de la bulle Unigenitus, madame de Tencin animait et fortifiait, par ses discours, le parti des constitutionnaires. Je ne sais s’il faut faire à son esprit l’honneur ou l’injure de croire qu’elle entendait parfaitement le fond d’une question que mille volumes de part et d’autre étaient bien loin d’éclaircir ; mais elle argumentait avec tant de feu et de grâce tout ensemble, que l’on ne sortait d’auprès d’elle qu’enflammé d’amour pour la bulle, ou plutôt de fureur contre ceux qui la rejetaient. La cour, dont ce prosélytisme ardent secondait les vues, craignit pourtant qu’il n’allumât des haines trop dangereuses entre les deux partis, et l’indiscrète théologienne eut ordre de se retirer à Orléans pour laisser aux têtes qu’elle avait échauffées le temps de se refroidir un peu. Son exil ne fut pas long : le crédit de son frère auprès du cardinal de Fleury lui fit bientôt accorder la permission de revenir à Paris.

Toutes ses faiblesses n’avaient pas eu pour but l’élévation de son frère. Elle avait cédé à un penchant désintéressé, en aimant le chevalier Destouches. Le fruit de cet amour fut le célèbre d’Alembert. On prétend qu’il fut exposé sur les marches de l’église Saint-Roch, et recueilli par une pauvre vitrière, qui lui donna tous les soins d’une mère tendre. On ajoute que madame de Tencin, lorsque les talents de ce fils commencèrent à jeter quelque éclat, voulut se faire connaître à lui, et que le jeune géomètre, peu sensible à