Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/162

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t-elle aussitôt qu’elle vit le comte de Canaple, ne me dites rien ; je mourrai de mon incertitude, mais je n’ai pas la force d’en sortir. Je vous assure, lui dit-il, que je n’ai rien de si terrible à vous apprendre. Serait-il possible, s’écria-t-elle encore avec une espèce de transport, que je fusse si heureuse ! Quoi ! il serait sauvé ? Et où est-il ? N’est-il point blessé ? Je ne puis vous répondre positivement, répliqua M. de Canaple, je sais qu’il ne s’est point trouvé dans le nombre des morts, et qu’il est tout au plus prisonnier. Ah ! dit-elle, il ne se sera rendu qu’à l’extrémité ; s’il est prisonnier, je le vois couvert de blessures. Hélas ! c’est moi qui ai ajouté le désespoir à sa bravoure naturelle : il s’est peu soucié de ménager une vie que j’ai rendue si malheureuse.

L’abondance des larmes qu’elle répandait, les sanglots redoublés qui lui coupaient la parole, arrêtèrent ses plaintes, et donnèrent au comte de Canaple le temps de la rassurer un peu. Il lui promit, en la quittant, d’envoyer au camp des Anglais, pour s’informer si M. de Châlons était prisonnier, et pour demander qu’il fût mis à rançon.

Un écuyer annonça le lendemain à M. de Vienne l’arrivée de madame de Granson, et lui apprit la mort de son maître. M. de Vienne, qui y était préparé, et qui d’ailleurs mettait au rang des premiers devoirs celui de citoyen, ne laissa pas d’achever de régler avec M. de Canaple ce qui était nécessaire pour la défense de Calais. Comme le temps pressait, M. de Canaple partit sans avoir tenté de faire une visite à madame de Granson, qu’il ne lui était pas permis de voir dans la circonstance présente. La perte de son mari l’avait