Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/163

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plus touchée qu’elle n’aurait dû l’être naturellement ; mais les reproches qu’elle se faisait de ne l’avoir jamais aimé, et d’avoir été sensible pour un autre, effaçaient les mauvais procédés qu’il avait eus pour elle ; elle sentait d’ailleurs que, pour résister à sa faiblesse, les chaînes du devoir lui étaient utiles. Cette liberté, dont elle ne pouvait faire usage, devenait un poids difficile à porter.

M. de Vienne lui conta que M. de Canaple, dans le peu de séjour qu’il avait fait à Calais, avait vu mademoiselle de Mailly. Les périls du siège le font frémir, lui dit-il ; il m’a conseillé de faire sortir de la ville toutes les femmes de considération ; et, pour être en droit de me presser sur mademoiselle de Mailly, il m’a beaucoup pressé sur votre compte. Vous me donneriez effectivement beaucoup de tranquillité, poursuivit M. de Vienne, si vous vouliez vous retirer dans mes terres de Bourgogne.

Madame de Granson était dans cet état de tristesse et d’accablement où, à force de malheurs, on n’en craint plus aucun. Ne me privez pas de la seule consolation qui me reste, dit-elle à M. de Vienne : je saurai périr avec vous, s’il le faut ; toute femme que je suis, vous n’avez rien à craindre de ma timidité ; mais contentez M. de Canaple, et engagez mademoiselle de Mailly à sortir de Calais. M. de Vienne lui promit d’y travailler.

Le départ de mademoiselle de Mailly eût été une consolation pour madame de Granson ; elle n’eût pas même voulu avoir un malheur commun avec elle ; mais la fortune lui refusa cette faible consolation. Madame