Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/165

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monceau de morts, ayant à peine quelque reste de vie. Milord d’Arondel, qui était alors sur le champ de bataille occupé à faire donner du secours à ceux qui pouvaient encore en recevoir, jugeant, par les armes de M. de Chalons, que c’était un homme de considération, ordonna qu’il fût mis dans une tente particulière. Quelques papiers qui furent trouvés dans ses habits, et portés à milord d’Arondel, lui apprirent le nom du prisonnier, et redoublèrent son attention pour lui. Il imagina qu’il pourrait en tirer quelque service qui importait à son repos ; mais, comme Édouard ne voulait point permettre le renvoi des prisonniers, tant que la guerre durerait, milord d’Arondel prit des précautions pour être maître du sien. Il chargea un homme sage et attaché à lui, de le garder et de le faire servir avec toutes sortes de soins.

Il ne fut de longtemps en état de reconnaître ni même de sentir les bons traitements qu’il recevait ; ses blessures étaient si grandes, qu’on désespéra plus d’une fois de sa vie. Lorsqu’il fut mieux, il voulut savoir à qui le sort des armes l’avait donné ; mais ceux qui étaient auprès de lui ne purent l’en instruire. Milord d’Arondel, dans la crainte de le découvrir, s’était contenté d’apprendre de ses nouvelles, et avait remis à le voir, quand il serait en état de recevoir sa visite. Il l’avait fait transporter dans une maison de paysan, qu’on avait rendue le plus commode qu’il avait été possible, et où il était plus aisé de le cacher, que dans le camp.

Milord d’Arondel s’y rendit sans suite, aussitôt que son prisonnier fut en état de le recevoir. Je vois avec plaisir, lui dit-il, en s’asseyant auprès de son lit, que