Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/170

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et la douleur se faisaient sentir ; ôtez de devant mes yeux cette misérable créature, fruit de la trahison la plus insigne. La femme, effrayée de ce qu’elle entendait, demeurait immobile, et ce malheureux enfant étendait ses petits bras pour embrasser M. de Châlons, et lui donnait le nom de père.

Ce nom augmentait encore le sentiment de douleur dont il était déjà pénétré. Le bonheur de celui à qui appartenait légitimement un nom si doux se peignait plus vivement à son imagination ; et, ne pouvant soutenir des idées aussi déchirantes, il repoussa cette innocente créature ; et, s’adressant à la femme qui était toujours à genoux : Encore une fois, lui dit-il, retirez-vous ; que je ne vous voie jamais ; et, faisant signe aux gens qui le servaient qu’on la fît sortir, il se tourna de l’autre côté, le cœur plein de douleur, de colère et de vengeance.

Ce qui venait de se passer n’aurait dû apporter aucun changement à sa situation ; il était instruit depuis longtemps de ce qui faisait le sujet de son désespoir, mais le temps avait affaibli ces idées. La connaissance de milord d’Arondel ne les avait déjà que trop douloureusement retracées à son souvenir ; elles venaient de se réveiller d’une manière encore plus violente.

Après bien des incertitudes, le fond de son caractère plein de douceur prévalut enfin. L’amour extrême qu’il avait pour mademoiselle de Mailly lui inspirait aussi quelque compassion pour son enfant. Un sentiment de justice se joignait à cette compassion. Pourquoi satisfaire sa vengeance aux dépens de ce petit infortuné ? est-il coupable de sa naissance ? il ne la