Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/174

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Je fus envoyé en Guyenne. La paix, qui était alors entre les deux couronnes, me fit naître le désir de voir la cour de France. Je m’y liai d’amitié avec le jeune Soyecourt, dont le caractère me convenait davantage que celui des autres gens de mon âge avec qui j’avais fait société. Je le retrouvai à Calais, où je m’étais proposé de m’arrêter. Il s’empressa de me faire les honneurs de la ville. La maison de madame de Mailly était la plus considérable ; j’y fus reçu, et traité comme un homme dont le nom s’attirait quelque distinction.

Soyecourt me proposa peu de jours après d’aller à une abbaye, à un quart de lieue de la ville, où une fille de condition devait prendre le voile. J’y consentis : nous trouvâmes l’église pleine de toutes les personnes qui avaient quelque nom ; la foule était grande, et la chaleur excessive. Je m’approchai, autant qu’il me fut possible, de l’endroit où se faisait la cérémonie. Une fille, qui y avait quelque fonction, et qu’un voile, qui lui couvrait en partie le visage, m’empêchait de voir, tomba évanouie.

On s’empressa de la secourir ; je m’empressai comme les autres : je lui fis avaler d’une liqueur spiritueuse que je me trouvai par bonheur sur moi. La connaissance ne lui revenait point ; il fallut lui faire prendre l’air. J’aidai à la porter hors de l’église. Sa coiffure, que sa chute avait dérangée, laissait tomber sur son visage et sur sa gorge des cheveux naturellement bouclés, du plus beau blond du monde ; ses yeux, quoique fermés, donnaient cependant passage à quelques larmes. Des soupirs précipités, qu’elle poussait à tout moment, la douceur de son visage, son âge, qui ne paraissait