Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/176

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répondit-il, mademoiselle de Roye, nièce de madame de Mailly. Elle n’a aucune fortune ; la mienne dépend d’un oncle qui ne me permettra jamais d’épouser une fille sans bien. Malgré tous ces obstacles, j’en suis devenu amoureux, et je suis d’autant plus à plaindre, que, bien loin de pouvoir contribuer à son bonheur, je crains, au contraire, que l’attachement que je lui ai marqué n’ait hâté la résolution où l’on est de lui faire prendre le parti du cloître.

Ce n’était point assez pour moi d’être instruit que Soyecourt était amoureux : il fallut encore savoir s’il était aimé. Je ne saurais m’en flatter, me dit-il ; je crois que je l’aurais aimée dix ans, sans qu’elle eût daigné s’en apercevoir ; et, lorsque j’ai parlé, elle ne s’est point avisée de contester la sincérité de mes sentiments.

Je veux bien vous croire, me dit-elle, pourvu que vous me croyiez aussi. Mon état et ma fortune suffiraient pour mettre un obstacle invincible à vos prétentions, et cet obstacle, tout invincible qu’il est, n’est cependant pas le plus fort. Je ne sais si je suis née insensible ; mais vos soins et votre amour n’ont fait nulle impression sur mon cœur. Je ne m’en suis pas tenu, poursuivit Soyecourt, à cette première déclaration ; j’ai mis tout en usage, et tout a été inutile ; elle m’écoute avec une douceur mille fois plus accablante que ne seraient les rigueurs.

Ne voyez-vous pas, me dit-elle quelquefois, que vous avez fait auprès de moi tout le progrès que vous pouvez y faire : je vous trouve aimable ; je vous estime ; je crois que vous m’aimez véritablement, et tout cela