Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/179

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de madame de Mailly, et je tâchais de l’augmenter, dans l’intention de l’employer pour mademoiselle de Roye : ce que j’avais vu m’avait appris que sa tante la traitait tout à fait mal. Je réussis dans mon projet, beaucoup au-delà de mes espérances. Madame de Mailly me marquait, dans toutes les occasions, des distinctions flatteuses, en conservant cependant cet air austère dont apparemment elle s’est fait une habitude.

Soyecourt n’osait se montrer dans la maison, qu’aux heures où tout le monde y était reçu : mademoiselle de Roye n’y était presque jamais alors. Il me parlait souvent de ses peines : j’eusse pu lui rendre confidence pour confidence, et prendre pour moi les conseils que je lui donnais de travailler à se guérir. Mais son malheur, loin de me rebuter, semblait m’encourager ; et puis, à vous dire la vérité, j’étais entraîné par un penchant plus fort que les réflexions. Sans avoir de dessein déterminé, sans songer quelles seraient les suites de ma passion, je m’y livrais tout entier.

M. de Mouy, oncle de Soyecourt, alarmé de l’amour de son neveu, vint à Calais pour l’en faire partir. Madame de Mailly, qu’il connaissait, étala à ses yeux une raison et une générosité dont l’éloignement qu’elle avait pour sa nièce lui rendait l’exercice très facile.

Je me suis opposée, lui dit-elle, autant qu’il m’a été possible, à l’inclination de M. de Soyecourt ; c’est pour en prévenir les suites, que j’ai pressé mademoiselle de Roye d’exécuter la résolution où elle est de prendre le parti du cloître, le seul qui puisse convenir à une fille comme elle. Si vous m’en croyez, ajouta madame de Mailly, vous ferez partir M. de Soyecourt ; il ne