Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/181

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seul avec elle, et que je lui disais de ces sortes de galanteries que l’usage autorise : Vous me traitez trop comme les autres femmes, me dit-elle ; que prétendez-vous par ces galanteries ? vous savez que je ne dois pas même les entendre ; toute ma tendresse est due à M. de Mailly. J’avoue cependant que, quoique ma confiance soit très grande pour lui, il y a mille choses que, pour l’intérêt de son repos, je suis obligée de lui cacher. Je voudrais avoir un ami assez sûr, pour lui dire ce que je ne lui dis point, et assez éclairé, pour m’aider à me conduire dans des occasions délicates.

Les qualités qu’on demandait dans cet ami étaient celles dont on m’avait loué souvent moi-même : je voyais, par tout ce qui avait précédé, qu’on voulait que je fusse cet ami. Il fallut dire ce qu’on attendait de moi : le fond de mon cœur y répugnait ; mais il y a des cas où le plus honnête homme se trouve forcé à faire au-delà de ce qu’il voudrait : me voilà donc lié avec madame de Mailly. Comme j’avais déclaré plusieurs fois que je demeurerais en France tout le temps que mon père demeurerait en Écosse, où son séjour devait être long, la crainte de mon absence n’apportait aucun obstacle à notre liaison.

Quelque temps après cette conversation, elle me fit prier d’aller chez elle, à une heure où je ne pouvais trouver personne. Je suis, me dit-elle, dans un de ces cas dont je vous ai parlé ; j’ai mille chagrins que je dévorerais seule, si je n’avais la liberté de vous les confier. L’intérêt de mon fils m’a engagée dans un second mariage ; mademoiselle de Mailly devait être le prix de ma complaisance : elle avait demandé du temps