Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/187

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Oui, je le sais, m’a-t-elle dit en levant sur moi des yeux mouillés de quelques larmes ; et c’est la certitude que j’en ai qui m’oblige à vous refuser. Pourriez-vous être content sans la possession de mon cœur ? ne seriez-vous pas en droit de me reprocher mon ingratitude ? Et, quand vous ne me la reprocheriez jamais, me la reprocherais-je moins, et pourrais-je me la pardonner ?

Que ne lui ai-je point dit, poursuivit Soyecourt ? Hélas ! je ne lui ai que trop dit ; c’est la pitié que je lui ai inspirée qui l’a forcée de m’avouer ce que je voudrais, aux dépens de ma vie, ignorer toujours. Elle aime ; elle a une inclination secrète, qui fait son malheur aussi bien que le mien. C’est pour cacher sa faiblesse, c’est pour s’en punir, qu’elle prend presque avec joie le parti du cloître.

Le discours de Soyecourt me donna tout ensemble et beaucoup de curiosité, et beaucoup d’émotion. Je voulais savoir quel était ce rival fortuné ; mais Soyecourt n’en était pas instruit, et ne savait lui-même sur qui porter ses soupçons. Mademoiselle de Roye lui avait dit que son funeste secret n’était su de personne, et que celui qui en était l’objet n’en aurait jamais aucune connaissance. En m’ôtant l’espérance, continua Soyecourt, elle augmente encore mon admiration pour elle. Je vais m’éloigner d’un lieu qui ne me présenterait plus que des sujets de tristesse, et attendre du temps et des réflexions un repos que je ne recouvrerai peut-être jamais.

Le dessein qu’il formait me laissait en pleine liberté de suivre mon inclination. Dès que je fus seul, je me mis à repasser tout ce que je venais d’entendre :