Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/202

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en état de produire des preuves, qui, toutes fausses qu’elles sont, peuvent paraître convaincantes contre mademoiselle de Mailly. L’obligation que l’on m’a imposée de garder le secret doit céder à celle de secourir l’innocence qu’on veut opprimer ; et je crois que mon honneur et ma conscience me font également un devoir de vous dévoiler ce mystère.

Il y a environ deux ans que mademoiselle de Roye, dont ma mère avait été la gouvernante, me fit dire qu’elle avait à me parler. L’état où je la vis aurait attendri l’âme la plus barbare. Elle répandait des torrents de larmes : je fus longtemps sans pouvoir lui arracher une parole ; elle me dit enfin, au travers de mille sanglots, qu’elle remettait sa vie et son honneur entre mes mains, qu’elle était grosse. Sa douleur ne lui permit pas de m’en dire davantage, et j’en avais tant de pitié, que je ne songeai qu’à la plaindre et à la soulager.

Il me paraissait important de connaître le complice de sa faute ; mais je ne pus jamais l’obliger à m’en faire l’aveu. Son nom est inutile, me dit-elle, en versant de nouvelles larmes ; je suis la seule coupable. La grâce que je vous demande encore, c’est d’avoir soin de mon enfant. Si je meurs, vous serez instruit, par un billet que je vous laisserai, de celui à qui vous devrez le remettre.

L’attachement que je conservais pour la mémoire de mon ancien maître, dont mademoiselle de Roye était la nièce, l’embarras où je me trouvais, l’opinion que j’avais conçue de la prudence de madame de Mailly, l’intérêt qu’elle avait elle-même de cacher cette triste