Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/204

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lui dit-il. Que dis-je ! vous me donnez plus que la vie. Quoi ! mademoiselle de Roye est votre femme ; elle est mère de cet enfant qui m’a rendu si malheureux et si criminel ! Oui, j’aurais dû en démentir mes yeux ; mes indignes soupçons ne méritent point de grâce, et moi-même je ne me les pardonnerai jamais.

M. de Châlons était si pénétré de son sentiment, il parlait avec tant de passion, qu’il ne pouvait s’apercevoir de la surprise où il jetait milord d’Arondel. Je vous demande pardon, lui dit-il après ce premier transport, de vous avoir interrompu. Achevez, s’il vous plaît, de m’instruire ; et, avant toutes choses, souffrez que j’ordonne que l’on cherche l’enfant et la femme que vous m’envoyâtes. J’espère qu’ils aideront à m’acquitter d’une partie de ce que je vous dois.

Que me faites-vous envisager, s’écria milord d’Arondel ? Serait-il possible ?… Non, cela ne peut être. Je conçois trop légèrement des espérances, dont ma mauvaise fortune devrait m’avoir désabusé. Ne craignez point de vous y livrer, répondit M. de Châlons ; et, pendant qu’on exécutera l’ordre que je viens de donner, achevez de me dire ce que vous jugez que je dois savoir.

Je ne suis plus en état de vous parler, répliqua milord d’Arondel ; ayez pitié de mon trouble ; daignez m’éclaircir. Vous le serez dans le moment, dit M. de Châlons, en voyant entrer la femme qu’il avait envoyé chercher. La nature est-elle muette, poursuivit-il en prenant l’enfant des bras de sa nourrice, et en le mettant dans ceux de milord d’Arondel ? Ne vous dit-elle rien pour ce fils ? Je vous le rends, ajouta-t-il,