Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/214

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maison, et ceux qui la composaient étaient les plus exposés à la calamité publique.

La ville était bloquée du côté de la terre ; la flotte anglaise défendait l’entrée du port. Ces difficultés auraient paru insurmontables à tout autre qu’au comte de Canaple ; mais le désir de rendre à sa patrie un service signalé et de sauver ce qu’il aimait, lui rendait tout possible.

La voie de la mer, quelque difficile qu’elle fût, était la plus praticable. Il fit chercher, à Abbeville, deux hommes hardis, nommés Marante et Mestriel, qui connaissaient parfaitement la côte, et à qui la vue de la récompense fit disparaître le péril. Les coffres du roi étant épuisés, M. de Canaple fit cette entreprise aux dépens d’une partie de son bien. Il se mit lui-même, avec ces deux hommes, dans une barque, et conduisit des munitions à Calais.

Comme cette manœuvre devait être répétée plusieurs fois, il n’entra pas d’abord dans la ville ; mais, en envoyant ces munitions à M. de Vienne, il lui fit dire qu’elles étaient principalement destinées pour lui et pour madame de Granson. Il le fit prier aussi d’en faire part à mademoiselle de Mailly : l’estime et l’amitié qu’il avait pour elle ne lui permettaient pas de l’oublier.

Ce secours, arrivé dans un temps où les besoins étaient si pressants, fut reçu de M. de Vienne avec autant de joie que de reconnaissance. Il alla porter cette agréable nouvelle à sa fille : elle était toujours plongée dans une profonde mélancolie, à laquelle les calamités publiques n’auraient presque rien ajouté, sans l’intérêt de son père.