Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/221

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furent cent fois près d’être submergés ; et, lorsque après des peines infinies ils eurent le bonheur d’aborder à Calais, les provisions se trouvèrent presque toutes gâtées par l’eau de la mer ; les bâtiments avaient besoin d’être réparés, pour pouvoir être remis à la mer. Pendant qu’on y travaillait, le roi d’Angleterre, averti qu’il était entré des munitions dans la place, fit construire, le long de la côte, plusieurs fortins, qui en défendaient l’entrée et la sortie. Il ne fut plus possible à M. de Canaple de suivre son projet ; enfermé dans la ville, hors d’état désormais de secourir madame de Granson, il ne lui resta que l’espérance de mourir du moins en la défendant.

M. de Mailly, dont la maison était voisine de la principale attaque, avait demandé à M. de Vienne de le recevoir dans le château, et M. de Canaple se trouva logé avec mademoiselle de Mailly. Malgré l’éloignement que madame de Granson avait pour elle, il était impossible qu’elles ne se vissent souvent. La tristesse où mademoiselle de Mailly était plongée convenait au sentiment que madame de Granson lui supposait, et la confirmait dans son opinion.

Mais cette tristesse était toujours la même : la présence de M. de Canaple laissait Mademoiselle de Mailly comme elle l’avait trouvée ; nul changement en elle, nul empressement de la part de l’un ni de l’autre de se voir et de se chercher ; enfin, rien de tout ce qui marque l’amour, et le fait si sûrement reconnaître. Madame de Granson faisait toutes ces remarques, et, sans le vouloir, elle en traitait moins mal M. de Canaple ; elle l’évitait pourtant toujours avec le même