Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/225

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d’Arondel ne pouvait pas l’y suivre : et le moyen de la quitter ! Il fit venir en diligence un chariot pour la mener à un bourg voisin. Pendant toute la route, occupé de mille soins dont elle était l’objet, il marcha toujours au côté du chariot.

Madame d’Arondel, qu’on avait mise au lit en arrivant, parut mieux d’abord ; mais la fièvre lui prit la même nuit, et redoubla les jours suivants. Le désir de la secourir soutenait milord d’Arondel et l’empêchait de succomber à l’excès de sa douleur : toujours les yeux attachés sur elle, toujours dans la plus vive émotion de crainte et d’espérance, il ne quittait pas le chevet de son lit. La fièvre augmenta considérablement, et la malade ne laissait aucun espoir de guérison.

Son état ne pouvait être caché à milord d’Arondel ; plus mort que vif, suffoqué par des larmes et des sanglots qu’il tachait de retenir, il voulut, pour soulager le mal que madame d’Arondel souffrait à la tête, y porter la main ; elle prit cette main, la baisa, et la remit sur son front.

Quelques moments après, s’étant aperçue que milord d’Arondel pleurait, et voulait se cacher : Laissez-moi voir vos pleurs, lui dit-elle, en se levant un peu sur son séant, et en le regardant avec des yeux qui, tout mourants qu’ils étaient, conservaient leur beauté, laissez-moi jouir du plaisir d’être si parfaitement aimée. Hélas ! je crains de n’avoir plus que quelques moments à en jouir ; la mort va peut-être nous séparer. Mes larmes coulent aussi bien que les vôtres, continua-t-elle. La vie est bien chère, quand on y tient par les plus forts liens de l’amour. Non, s’écria