Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/227

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quels moyens a-t-on employés pour vous dérober si entièrement la connaissance de tout ce qui se passait dans votre patrie ?

Vous savez, lui répondit-elle, que je fus remise dans le couvent aussitôt après que je fus accouchée. Tout commerce me fut interdit. Saint-Val, chargé par madame de Mailly de m’ordonner de prendre le voile, fut le seul à qui j’eus la liberté de parler. Ma santé était si mauvaise, que les religieuses elles-mêmes déclarèrent qu’elles ne me recevraient que lorsque je serais rétablie. Je vécus de cette sorte, soutenue par la seule confiance que j’avais en vous, quand madame de Mailly, dont depuis longtemps je n’avais eu aucune nouvelle, entra dans ma chambre.

Un chariot, me dit-elle d’un ton aigre et menaçant, vous attend à la porte, et a ordre de vous conduire dans une maison que je vous ai choisie. Partez tout à l’heure, et rendez-moi grâce de vous ôter d’un lieu où votre honte ne serait pas toujours cachée. Vous connaissez ma timidité, poursuivit madame d’Arondel ; d’ailleurs, qu’aurais-je fait pour me défendre ? je ne sus qu’obéir.

On m’ôta généralement tout ce que j’avais, dans la crainte que j’en pusse tirer quelque secours. Par bonheur, vos lettres et votre portrait, que je tenais toujours cachés sur moi, me demeurèrent, et ont fait, dans ma solitude, mon unique consolation.

Une femme et un homme que je ne connaissais point m’attendaient dans le chariot. Je fus menée et observée pendant la route, avec autant d’attention que si j’avais été prisonnière d’état. Ma douceur et ma