Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/228

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complaisance ne purent rien gagner sur l’esprit de mes conducteurs ; ils me traitaient avec tant d’inhumanité, que ce fut une espèce de soulagement pour moi quand je me trouvai dans la maison où vous m’avez vue. Mais, lorsque je fus instruite de la règle qui s’y observait, que je sus qu’on y vivait dans un entier oubli du monde, que je n’entendrais jamais parler de personne, et que personne n’entendrait jamais parler de moi, je crus être dans le tombeau.

La mort même des parents de ces bonnes filles ne leur est annoncée qu’en général. Combien de larmes ces sortes de nouvelles m’ont-elles fait répandre, quoiqu’elles ne pussent point vous regarder ! Elles me remplissaient l’esprit des idées les plus funestes. L’ignorance où j’étais, et où je devais toujours être de votre sort, me causait des alarmes continuelles.

Je n’envisageais d’autre fin à mes peines que celle de ma vie, et je ne voulais point cependant m’engager : c’eût été cesser d’être à vous, c’eût été m’ôter le nom de votre femme. Ce nom, quoique je susse seule qu’il m’était dû, me consolait.

J’allais presque tous les jours rêver dans l’endroit où vous me trouvâtes. La solitude et le silence augmentaient ma mélancolie ; je m’en remplissais le cœur ; je relisais vos lettres ; je regardais votre portrait et je pleurais. Ma santé, qui s’affaiblissait tous les jours, me donnait l’espérance d’une mort prochaine.

Madame d’Arondel, attendrie par des souvenirs si douloureux, n’eut pas la force d’en dire davantage. Milord d’Arondel, pénétré jusqu’au fond du cœur, lui répétait ce qu’il lui avait dit mille fois, que son sang,