Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/231

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vous garantir de la fureur du vainqueur. J’espère qu’à la faveur du tumulte et du désordre, il ne vous sera pas impossible de vous échapper dans une barque de pêcheur.

Quoi ! mon père, s’écria madame de Granson, en le serrant entre ses bras, et en le mouillant de ses larmes, vous voulez mourir, et vous prenez des précautions pour conserver ma vie ! Croyez-vous donc que je veuille, et que je puisse vous survivre ? Le moment où vous sortirez de cette malheureuse ville sera le moment de ma mort.

Le comte de Canaple, aussi pénétré que M. de Vienne et madame de Granson, les regardait l’un et l’autre, et gardait le silence, lorsque madame de Granson, levant sur lui des yeux grossis par les pleurs : Songez à vous, monsieur, lui dit-elle ; je n’ai besoin d’aucun autre secours que de mon désespoir. Non, madame, lui dit-il, vous n’aurez point recours à un si affreux remède ; et, si M. de Vienne veut différer l’assemblée jusqu’à demain, j’espère beaucoup d’un projet que je viens de former.

M. de Vienne, quoique très persuadé du courage et de la capacité de M. de Canaple, ne s’en promettait cependant aucun succès. Madame de Granson, au contraire, se laissait aller à quelque espérance.

M. de Canaple alla, après les avoir quittés, chez Eustache de Saint-Pierre, le même qui l’avait pris pour son fils. Je viens vous demander, lui dit-il, de m’avouer pour ce fils avec lequel vous m’avez trouvé une si grande ressemblance. J’ai besoin de son nom, pour être accepté par les députés d’Édouard, qui veut