Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/234

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malheurs mille fois plus grands que la mort faisaient couler ses larmes.

Un grand bruit qu’elles entendirent, interrompit cette triste occupation. Comme tout était à craindre dans la situation où étaient les choses, elles s’avancèrent l’une et l’autre avec précipitation à une fenêtre qui donnait sur la place ; elles ne virent d’abord que beaucoup de monde assemblé, et n’entendirent qu’un bruit confus. Mais, à mesure que les objets s’approchaient, elles distinguèrent cinq hommes qui avaient la corde au cou ; la multitude les suivait ; tous voulaient les voir ; tous voulaient leur dire un dernier adieu ; tout retentissait de leurs louanges, et tout était en pleurs. Madame de Granson et mademoiselle de Mailly étaient pénétrées d’un spectacle si touchant : la pitié que leur inspiraient ces malheureux augmentait encore par la fermeté avec laquelle ils allaient à la mort.

Un d’entre eux, malgré le triste équipage où il était, se faisait distinguer par sa bonne mine, par une démarche plus fière et plus assurée, et attirait sur lui tous les regards. Mademoiselle de Mailly eut à peine jeté les yeux sur lui, que, poussant un grand cri, elle tomba évanouie.

Madame de Granson, étonnée et surprise de cet accident qu’elle ne savait à quoi attribuer, appela du secours. On porta mademoiselle de Mailly dans son lit, où elle fut encore longtemps sans reprendre connaissance ; elle ouvrit enfin les yeux, et, repoussant ceux qui voulaient la secourir : Laissez-moi, disait-elle, laissez-moi mourir : c’est prolonger mon supplice,