Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/235

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que de prolonger ma vie. Dieu ! ajoutait-elle, que viens-je de voir ! Il vit, et sa vie rend ma douleur plus amère ; elle ne lui est donc rendue, que pour la perdre sous la main d’un bourreau.

Je vous demande pardon, mon père, dit-elle à M. de Mailly qui était accouru au bruit de son accident, je vous demande pardon de mon désespoir ; mais pourriez-vous le condamner ? Ce Châlons que vous m’aviez permis d’aimer, que vous m’aviez destiné, que vous m’avez ôté, va périr pour vous et pour moi. Je l’ai reconnu ; il est déjà, dans cet affreux moment, au pouvoir de ce barbare ! Que ne peut-il savoir que ma mort suivra la sienne ? Ne me regrettez point, mon père ; laissez-moi mourir sans vous avoir offensé ; que sais-je où me conduirait l’excès de ma douleur ! Un second évanouissement qui la reprit alors, beaucoup plus long que le premier, fit craindre qu’elle n’eût expiré. M. de Mailly tenait sa fille entre ses bras, et il semblait que lui-même allait expirer aussi.

Madame de Granson, dont les soupçons étaient déjà fort diminués, pleinement éclaircie par ce qu’elle entendait, sentait, à mesure que la jalousie s’éteignait dans son cœur, renaître son amitié pour mademoiselle de Mailly ; et, malgré le pitoyable état où elle la voyait, elle ne laissait pas de lui porter envie. Elle est aimée, disait-elle, elle a osé aimer, elle reçoit de ce qu’elle aime la plus grande marque d’amour qu’on puisse recevoir ; et moi, je n’ai reçu que des outrages, voilà le prix de ma faiblesse.

M. de Vienne, qui ne paraissait point, donna encore à madame de Granson une autre douleur. Elle