Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/241

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tant fait pour vous ? et qui êtes-vous vous-même ? Ma démarche, sire, répondit-elle avec une contenance qui marquait sa confusion, devrait me faire cacher à jamais mon nom. J’avoue, cependant, qu’il m’en coûte moins de dire à votre Majesté que je suis la fille du gouverneur de Calais, que de nommer M. de Canaple.

Édouard ne put tenir davantage. Pressé par ses propres sentiments, et déterminé par les instances de la reine, il ordonna à milord d’Arondel et à M. de Mauny, qu’il fit appeler, d’aller chercher les prisonniers, et de les lui amener. Ces deux seigneurs se hâtèrent d’exécuter un ordre qu’ils recevaient avec tant de plaisir.

Deux des six, déjà sur l’échafaud, voyaient sans aucune altération les apprêts de leur supplice ; et, quoiqu’ils s’embrassassent tendrement, c’était sans faiblesse. Milord d’Arondel, qui les vit de loin, cria : Grâce ! grâce ! alla à eux avec promptitude, et reconnut avec la plus grande surprise M. de Châlons.

En croirai-je mes yeux, lui dit-il en l’embrassant ? Est-ce vous que je vois ? est-ce M. de Châlons que je viens d’arracher des mains d’un bourreau ? Par quelle étrange aventure un homme tel que vous se trouve-t-il ici ? Je n’y suis pas seul, répondit M. de Châlons ; M. de Canaple, que vous voyez, a fait ce que j’ai fait, et ce que vous auriez fait vous-même dans les circonstances où nous nous sommes trouvés.

Milord d’Arondel, au nom de M. de Canaple, le salua avec toute sorte de marques de considération. Éloignons-nous promptement, leur dit-il, d’un lieu où je rougis pour ma nation que vous ayez pu être