Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/249

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La joie de ces deux personnes, après une si longue absence, après s’être donné l’un et l’autre tant de marques de tendresse, ne saurait s’exprimer. Mademoiselle de Mailly, autorisée par la présence de son père, disait à M. de Châlons des choses plus flatteuses qu’elle n’eût osé lui dire s’ils avaient été sans témoin. Pour lui, enivré de son bonheur, il ne lui tenait que des discours sans suite et sans liaison. Mais, après ses premiers transports, et lorsque l’absence de M. de Mailly lui eut laissé plus de liberté, il se trouva pressé de lui avouer les soupçons qu’il avait eus contre elle. Quoiqu’ils n’eussent produit d’autre effet que de le rendre malheureux, quoiqu’elle eût pu les ignorer toujours, il fallait pour avoir la paix avec lui-même, qu’il lui en demandât pardon.

Vous me demandez pardon, lui dit-elle, vous à qui j’ai causé tant de différentes peines, vous qui avez voulu donner votre vie pour moi, vous enfin qui m’avez aimée dans le temps que vous auriez dû me haïr !

Cette conversation, si pleine de charmes, fut interrompue par madame de Granson. Elle venait apprendre à mademoiselle de Mailly que le roi et la reine d’Angleterre feraient le lendemain leur entrée dans Calais, et qu’il fallait qu’elle se disposât à être présentée à la reine.

La mort de madame de Mailly, qui arriva la même nuit, loin de dispenser mademoiselle de Mailly de ce devoir, lui en faisait au contraire une nécessité. Il fallait éloigner M. de Mailly d’un lieu qui lui présentait des objets si affligeants, et en obtenir la liberté de la reine. Je ne vous accorde cette grâce, lui dit cette princesse, lorsque mademoiselle de Mailly lui fut présentée, qu’à