Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/270

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tint toujours son caractère : il doutait ; il excusait ; enfin, il eût voulu qu’on n’eût point cherché à avoir de l’esprit aux dépens d’autrui.

Le jeu finit les disputes. Barbasan ne joua point ; je ne jouai point aussi. Nous restâmes seuls désœuvrés : je m’aperçus qu’il avait les yeux attachés sur moi ; j’en fus embarrassée. Pour assurer ma contenance, je m’approchai de la table où l’on jouait. Il n’osa d’abord m’y suivre : heureusement un incident qui attira des contestations, lui en donna le prétexte. Je crois qu’il me regarda toujours ; pour moi, je n’osai lever les yeux, quoique j’en eusse grande envie.

Je n’eus pas besoin de lire avant de me mettre au lit, comme j’en avais la coutume : un trouble agréable, que je n’avais jamais éprouvé, remplissait mon cœur. La figure de Barbasan se présentait à moi. Je repassais tout ce que je lui avais entendu dire ; je m’applaudissais de penser comme lui : je n’osais m’arrêter sur l’attention qu’il avait eue à me regarder ; je n’y pensais qu’à la dérobée. Ma nuit se passa presque entière de cette sorte. Je fus fâchée ensuite de n’avoir pas dormi. Je craignis d’en être moins jolie.

Ma toilette, qui ne m’avait point occupée jusque-là, devint pour moi une affaire sérieuse. Je voulais absolument être bien ; je ne me contentais point sur le choix de mes ajustements. Où devez-vous donc aller, me dit ma femme-de-chambre, étonnée de ce qu’elle voyait ? Sa question m’étonna moi-même et m’embarrassa ; le sentiment qui me faisait agir m’était inconnu.

Quelques-uns de ceux qui avaient soupé le soir avec nous, vinrent y dîner le lendemain. On parla du sou-