Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/277

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long qu’elle voulut des avantages de ce mariage ; que je serais à la cour, que j’aurais un tabouret ; et, comme c’était à ses yeux le plus haut point de la félicité, elle finit par me dire : Vous êtes trop heureuse ; j’ai apporté à votre père autant de bien que nous vous en donnons ; j’étais plus belle que vous ; voyez la différence de nos établissements.

Mon père, tout subjugué qu’il était, se sentit piqué de cette comparaison. Mon dieu ! ma femme, lui dit-il, je connais plus d’une duchesse qui voudrait avoir autant d’argent à dépenser que vous.

Ce discours m’autorisa à marquer mes répugnances : On m’avait promis, dis-je, qu’on ne songerait à me marier qu’à dix-huit ans ; je ne les ai pas encore ; je ne me soucie point d’être duchesse.

Si vous ne vous en souciez pas, nous nous en soucions, nous, dit ma mère, d’un ton aigre. Mais, ma mère, répondis-je, mon père dit lui-même que vous êtes plus heureuse. Votre père pense bassement, répliqua-t-elle : allez vous coiffer ; je dois sortir, peut-être vous mènerai-je avec moi.

Si j’avais été seule avec mon père, je lui aurais montré ma douleur ; je sentais qu’il m’aimait pour moi ; j’apercevais au contraire dans ma mère une tendresse qui ne tenait qu’à elle ; elle avait d’ailleurs un ton de hauteur et des manières qui m’en imposaient.

Je remontai dans mon appartement, dans un état bien différent de celui où j’en étais sortie un peu auparavant. J’avais un poids sur le cœur trop pesant pour le soutenir seule : il me fallait quelqu’un à qui je pusse parler ; je n’avais qu’Eugénie, je courus chez elle.