Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/285

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quelques jours sans paraître dans la maison. Il ne voulut jamais y consentir : la prudence exigeait au contraire, disait-il, qu’il ne parût aucun changement dans sa conduite. La mienne était bien déraisonnable ; mais j’avais dix-sept ans, le cœur tendre, une inclination naturelle pour Barbasan, et une aversion invincible pour le marquis de N…

Il vint souper comme à son ordinaire. Si j’avais pu douter qu’il avait vu Barbasan à mes genoux, son air et sa contenance m’en auraient fait douter : il me parla avec la même aisance, il attaqua Barbasan de conversation ; loin d’avoir de l’aigreur, il fut au contraire toujours de son avis.

Nous nous disions des yeux la surprise que cette façon d’agir nous causait : je m’imaginais que c’était par bon procédé et par ménagement pour moi qu’il voulait rompre sans éclat. Il me paraissait alors digne de mon estime ; mais je changeai bien de sentiment quand j’appris, deux jours après, qu’il pressait la conclusion de notre mariage plus que jamais, et qu’il mettait tout en usage auprès de ma mère, pour qu’elle ne s’obstinât plus à attendre que la duché fût sur sa tête.

Une conduite si indigne me redonna, avec l’éloignement que j’avais pour lui, le mépris le plus profond. Je me fis une nécessité de consulter Barbasan sur ce que j’avais à faire. Il avait si bien démêlé le caractère du marquis de N…, qu’il ne pouvait manquer de me donner des avis utiles.

Avec quelle rapidité les passions nous emportent, dès que nous leur avons cédé le moins du monde ! Je