Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/286

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me trouvai en intelligence avec mon amant : je lui entendais dire qu’il m’aimait ; je lui laissais voir une partie de mes sentiments : je croyais qu’il m’était permis de lui parler en particulier ; que la bienséance n’en serait point blessée ; qu’il suffisait que j’eusse une femme avec moi ; et cette femme, j’avais pris soin de la mettre dans mes intérêts. J’eus donc plusieurs conversations avec Barbasan : il trouvait toujours quelques prétextes pour les rendre nécessaires ; il faut avouer qu’elles me le paraissaient autant qu’à lui.

Nous résolûmes que je parlerais à mon père ; que je lui montrerais toute ma répugnance. Il est né, disait Barbasan, avec les meilleurs sentiments du monde : ses entours n’ont gâté en lui que l’extérieur, il lui reste un fonds de raison, qui pourra prendre le dessus. Il m’est souvent venu en pensée, continua-t-il, d’acquérir son amitié et celle de madame votre mère, par les mêmes voies que d’autres les ont acquises ; mais mon cœur y a toujours répugné. C’était, d’ailleurs, vous manquer d’une manière indigne, que de travailler à augmenter des ridicules dont vous gémissez.

Les sentiments vertueux que Barbasan faisait paraître n’étaient pas perdus pour lui ; je m’en faisais une excuse de ma faiblesse.

Mon père se levait toujours assez matin ; je pris ce temps pour lui parler. Il fut étonné de me voir de si bonne heure. Je me mis d’abord à ses genoux, je lui pris la main, je la baisai plusieurs fois sans avoir prononcé une seule parole. Qu’avez-vous, me dit-il, mon enfant ? Parlez-moi ; vous savez que je vous aime. Ah ! mon père, m’écriai-je, c’est ce qui soutient ma vie ;