Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/287

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c’est ce qui me donne de l’espérance. Non, vous ne me rendrez pas la plus malheureuse personne du monde ! vous ne me forcerez pas d’épouser le marquis de N… Mon père, continuai-je, en lui baisant encore la main, que je tenais toujours, et en la mouillant de quelques larmes, prenez pitié de votre fille !

Vous me faites de la peine, me dit-il, d’un ton plein de bonté ; remettez-vous, mon enfant. Mais, pourquoi avez-vous tant d’aversion pour le marquis de N… ? Est-ce qu’il ne vous aimerait pas ? Il fait cent fois pis, répliquai-je, il me donne lieu de le mépriser ; je suis sûre aussi qu’il n’a point d’estime pour moi ; et, ce qui achève de le dégrader dans mon esprit, il n’a nul besoin d’estimer une fille dont il veut faire sa femme.

Où prenez-vous tout cela, dit mon père ? Je n’en suis que trop sûre, répondis-je. Il allait sans doute me presser de lui dire quelles étaient ces sûretés, et je crois que je lui aurais avoué tout de suite mon inclination pour Barbasan, quand un homme, de ses amis, vint lui parler d’une affaire pressée. Mon père m’embrassa, et n’eut que le temps de me dire : Votre mère m’embarrasse, tâchez de la gagner.

Je l’aurais tenté inutilement ; mais la manière dont mon père avait parlé, me donna du courage : je restai persuadée que, s’il n’avait pas la force de s’opposer aux volontés de ma mère, du moins il me pardonnerait de lui désobéir. Je rendis compte de tout à Barbasan ; car je ne faisais rien sans le lui dire ; nos intérêts étaient devenus les mêmes. Je n’avais pourtant encore osé lui avouer que je me gardais pour lui ;