Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/288

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mais sur cela, comme sur beaucoup d’autres choses, nous nous entendions sans nous parler.

Cependant les préparatifs des noces se faisaient. Le marquis de N… ne prenait point le dégoût que je tâchais de lui donner, et fermait les yeux sur l’intelligence de M. de Barbasan et de moi, et que, loin de lui cacher, je lui montrais au-delà de ce qu’elle était. Je touchais au moment d’éclater, quand j’en fus délivrée par un événement bien triste et bien douloureux.

Mon père, dont la santé avait toujours été admirable, fut attaqué d’une fièvre qui résista à tous les remèdes. Les amis et les parents firent des merveilles les premiers jours ; mais la longueur de la maladie les lassa. L’antichambre, qui était pleine, du matin au soir, de ceux qui venaient savoir des nouvelles du malade, se vida insensiblement. Ma mère tint bon assez longtemps ; mais enfin elle se lassa comme les autres ; elle recommença à recevoir du monde, à donner à souper ; et, pour y être autorisée, on ne manquait pas de dire que le mal de mon père n’était pas dangereux, qu’il ne lui fallait que du repos. Les médecins, pour plaire à ma mère, tenaient le même langage ; mais ils ne pouvaient me rassurer : un pressentiment secret, la tristesse profonde dont j’étais dévorée, m’avertissaient de mon malheur.

J’étais cependant obligée de me montrer au souper ; ma mère le voulait, et je ne voulais pas moi-même ajouter encore à l’indécence de sa conduite, par en avoir une tout opposée. Je prenais sur mon sommeil pour remplacer les heures que ces considérations m’obligeaient de passer hors de la chambre de mon