Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/302

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me laissai tomber sur ma chaise, sans aucun sentiment. Eugénie vint à mon secours, et me fit porter dans ma chambre. Elle apprit de ce garçon, que Barbasan n’avait point paru le soir ; qu’après l’avoir attendu toute la nuit, il avait été le chercher dans les endroits où il pouvait en apprendre des nouvelles ; qu’à son retour dans la maison, il avait trouvé un de ses amis qui venait l’avertir que son maître s’était battu contre le marquis du Fresnoi ; qu’il l’avait tué sur la place, et qu’on ne savait où il s’était réfugié. Les soins que Beauvais (c’est le nom du valet de chambre) s’était donnés pour en savoir davantage avaient été inutiles.

Ces nouvelles, tout affligeantes qu’elles étaient, ne laissèrent pas, quand je les appris, de me donner de la consolation. La mort de Barbasan, qui m’était d’abord venue dans l’esprit, et qui avait fait une telle impression sur moi que je fus plusieurs heures sans connaissance, me fit regarder un moindre mal comme un bien ; mais, lorsque, revenue de ma première impression, je réfléchis sur cette aventure, je fus dans un état peu différent de celui où j’avais été d’abord.

J’eus recours au commandeur de Piennes, pour avoir quelque éclaircissement. Il revint le même jour ; et, malgré les ménagements qu’il tâcha d’employer, il me perça le cœur par son récit.

Barbasan s’était retiré dans une maison de sa connaissance, et comptait en sortir la nuit, pour prendre la poste ; mais il avait été arrêté dans le moment qu’il se disposait à partir. Le commandeur de Piennes ajouta qu’il allait mettre tout en usage pour faire disparaître les témoins.