Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/304

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en duel. Cette circonstance n’ajoutait cependant rien à ma douleur. Est-il besoin, pour sentir les malheurs de ce qu’on aime, de les avoir causés ?

N’étais-je pas assez malheureuse ! non, il fallait que j’eusse encore à trembler pour un danger plus prochain.

J’appris que Barbasan était malade à l’extrémité, et qu’il refusait tous les secours. Que faire ? Aller lui dire moi-même qu’il me donnait la mort ? Le commandeur et Eugénie s’opposèrent de toutes leurs forces à cette résolution : mais ils me virent dans un si grand désespoir, qu’ils se trouvèrent forcés d’y consentir, et même de m’aider.

Le commandeur engagea une dame de ses amies, qui avait soin des prisonniers, de me mener avec elle. Il m’annonça sous un faux nom, et me supposa proche parente de Barbasan. On devait me venir prendre le lendemain matin. Jamais nuit ne me parut si longue ; j’en comptais les minutes ; et, comme si ma diligence eût avancé le jour, j’étais prête plusieurs heures avant que le commandeur fût venu.

Nous allâmes ensemble : ma tristesse paraissait si profonde, il y avait en ma personne une langueur si tendre, que la dame fut d’abord au fait des motifs de ma démarche. Elle n’en fut que plus disposée à me servir : les femmes, en général, ont toujours de l’indulgence pour tout ce qui porte le caractère de tendresse, et les dévotes en sont encore plus touchées que les autres. Celle-ci avait de plus, pour prendre part à mes peines, le souvenir d’un amant que la mort lui avait enlevé.

Je parvins, bien cachée dans mes coiffes, jusqu’à