Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/306

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moi, mon cher Barbasan, conservez votre vie ; c’est la mienne que je vous demande. Hélas ! ma chère Pauline, répliqua-t-il, songez-vous à la destinée qui m’attend ? songez-vous que je vous perds, vous que j’adore, vous qui seule m’attachez à la vie ? Qu’importe après tout, continua-t-il après s’être tu quelques moments, de quelle façon je la finisse ! je vous aurai du moins obéi jusqu’au dernier moment.

La dame avec qui j’étais venue rentra : elle avait fait apporter un bouillon ; je le présentai à Barbasan ; il le prit en me serrant la main : nous n’étions ni l’un ni l’autre en état de parler ; nos larmes nous suffoquaient. Hélas ! je pensai dans ce moment que nous nous voyions peut-être pour la dernière fois.

Ma dévote, à qui je faisais pitié, baissa elle-même mes coiffes, me prit sous le bras, m’entraîna hors de cette chambre, et me fit monter dans son carrosse. Nous fîmes en silence le chemin jusque chez elle, où le commandeur de Piennes et ma femme de chambre m’attendaient. La fièvre me prit dès la même nuit avec beaucoup de violence. Je fus à mon tour pendant plusieurs jours entre la vie et la mort. Mon mal, tout grand qu’il était, ne prit rien sur le sentiment dominant : uniquement occupée de Barbasan, j’en demandais des nouvelles à chaque instant.

Eugénie ne quittait le chevet de mon lit que pour s’en informer : elle ne me disait que ce qui lui paraissait propre à calmer mes inquiétudes, et elle ne les calmait point : je me faisais des sujets d’alarmes d’un geste, d’un mot, d’un air un peu plus triste que j’apercevais sur son visage : enfin après quinze jours j’eus la