Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/339

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par un peu de confiance l’amour le plus tendre. Hélas ! qu’est-ce que j’exige ? que vous ne me croyiez pas le plus scélérat des hommes. Si les ménagements que j’ai à garder m’obligent dans ces premiers moments de tenir notre mariage secret, je suis sûr que je pourrai bientôt le déclarer.

Mademoiselle d’Essei fondait en larmes : ce temps d’attendrissement et de douleur fut favorable au comte de Blanchefort. D’ailleurs, un sentiment généreux lui fit trouver de la satisfaction à faire quelque chose pour un homme qui faisait tout pour elle. Moins elle l’aimait, plus elle croyait lui devoir.

L’autorité de madame de Polignac acheva de la déterminer. Donnez votre main, ma fille, au comte de Blanchefort, lui dit-elle après avoir fait appeler le curé du lieu ; jurez-vous devant nous la foi conjugale. Votre probité, continua-t-elle en s’adressant au comte, me répond de votre parole. Voici, ajouta-t-elle, en s’adressant à mademoiselle d’Essei, une cassette qui renferme quelques pierreries ; je vous prie, ma chère fille, de les accepter : si je pouvais disposer du reste de mon bien, il serait à vous.

Mademoiselle d’Essei était si troublée de l’engagement qu’elle venait de prendre, et si pressée de sa douleur, qu’elle tomba en faiblesse aux pieds de madame de Polignac : on l’emporta hors de sa chambre ; on la mit au lit ; elle passa la nuit dans des pleurs continuels. Le comte de Blanchefort fut toujours auprès d’elle.

Cependant, madame de Polignac parut un peu mieux pendant quelques jours. Cette espérance, qui donna tant de joie à mademoiselle d’Essei, ne dura guère ; le