Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/34

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qui établissaient incontestablement la substitution dans notre maison ; je l’écrivis à mon père ; et, comme j’étais près de Bagnières, je lui demandai la permission d’y aller passer le temps des eaux. L’heureux succès de mon voyage lui donna tant de joie, qu’il y consentit.

J’y parus encore sous le nom de marquis de Longaunois ; il aurait fallu plus d’équipage que je n’en avais pour soutenir la vanité de celui de Comminge : je fus mené, le lendemain de mon arrivée, à la fontaine. Il règne dans ces lieux-là une gaîté et une liberté qui dispensent de tout le cérémonial : dès le premier jour, je fus admis dans toutes les parties de plaisir ; on me mena dîner chez le marquis de la Valette qui donnait une fête aux dames ; il y en avait déjà quelques-unes d’arrivées que j’avais vues à la fontaine, et à qui j’avais débité quelque galanterie, que je me croyais obligé de dire à toutes les femmes. J’étais près d’une d’elles, quand je vis entrer une femme bien faite, suivie d’une fille qui joignait à la plus parfaite régularité des traits l’éclat de la plus brillante jeunesse. Tant de charmes étaient encore relevés par son extrême modestie. Je l’aimai dès ce premier moment, et ce moment a décidé de toute ma vie. L’enjouement que j’avais eu jusque-là disparut, je ne pus plus faire autre chose que la suivre et la regarder. Elle s’en aperçut, et en rougit. On proposa la promenade : j’eus le plaisir de donner la main à cette aimable personne. Nous étions assez éloignés du reste de la compagnie pour que j’eusse pu lui parler ; mais moi qui, quelques moments auparavant, avais toujours eu les yeux attachés sur elle, à peine