Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/342

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moi : vous est-il arrivé quelque malheur que vous craigniez de m’apprendre ? Ah ! ne me faites pas cette injustice ; je serai bien plus pressée de partager vos peines, que je ne le suis de partager votre fortune.

M. de Blanchefort soupirait et n’avait pas la force de répondre. Parlez, lui dit-elle encore, rompez ce cruel silence ; prouvez-moi ce que vous m’avez dit tant de fois, que je vous tiendrais lieu de tout. Je vous le répète encore, dit le comte de Blanchefort ; mais puis-je m’assurer que vous m’aimez ?

Quel doute, s’écria mademoiselle d’Essei ! oubliez-vous que c’est à votre femme que vous parlez ? avez-vous oublié les nœuds qui nous lient ? Mais, continua-t-il, m’aimez-vous assez pour entrer dans mes raisons ? voudrez-vous vous prêter aux ménagements que je dois à ma fortune ? Le connétable, à qui je voulais faire part du dessein où j’étais de vous épouser, m’a proposé de me donner sa sœur : c’était me perdre que de lui dire que j’avais pris des engagements sans son aveu : tout ce que j’ai pu faire a été de lui demander du temps. Votre grossesse ne doit point vous affliger : je prendrai des mesures pour dérober la connaissance de votre accouchement ; pour écarter les soupçons, je ne vous verrai que rarement.

Ce que je viens d’entendre, est-il possible, s’écria mademoiselle d’Essei ! Non, monsieur, vous voulez m’éprouver ; vous n’exposerez point votre femme à la honte d’un accouchement secret ; vous ne rendrez point la naissance de votre enfant douteuse : son état et le mien sont assurés, puisque j’ai votre parole.

Je conviens de ce que je vous ai promis, répondit-il ;