Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/356

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osa manquer au respect qui vous est dû de toute la terre. Taisez-vous, lui dis-je avec un ton de fureur, ou je vous ferai repentir de votre insolence. Vous et mademoiselle de Magnelais êtes dignes l’un de l’autre ; et je vous aurais punis de toutes vos trahisons, si le mépris ne vous avait sauvés de ma vengeance.

À qui parles-tu donc, répliqua Bellomont ? As-tu oublié que tu me dois la vie ? Mais tu ne jouiras plus d’un bienfait dont tu abuses ; il vint en même temps sur moi, et, avant que je me fusse mis en défense, il me porta deux coups d’épée : je tirai la mienne, et, comme il voulait redoubler, je le blessai à la hanche en me défendant ; il tomba, je fus sur lui, et, après l’avoir désarmé : Je te donne la vie, lui dis-je, et me voilà délivré de la honte de devoir quelque chose au plus lâche de tous les hommes.

Cependant mon sang coulait en abondance, et j’allais tomber moi-même, et être exposé à la rage de ce méchant, dont la blessure était légère, quand des paysans, qui venaient à la ville, arrivèrent dans le lieu où nous étions. Mes habits, qui étaient magnifiques, les firent d’abord venir à moi. Je me fis porter dans la plus prochaine maison, qui se trouva, par hasard, appartenir à un homme qui nous était attaché : je le chargeai d’aller avertir le comte de Ligny, avec qui j’étais lié d’amitié depuis notre première enfance. Les chirurgiens, qui avaient d’abord annoncé que ma vie était dans le plus grand péril, commencèrent, quelques jours après, à concevoir de l’espérance.

À mesure que l’extrême danger diminuait, mes inquiétudes augmentaient. La discrétion que j’avais