Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/370

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le mariage ne saurait être pour moi qu’une source de peines. Eugénie me répondit que le président l’avait prévenue sur cet article ; qu’il ne demandait de ma part qu’une entière sincérité : la vérité est auprès de lui presque de niveau avec l’innocence ; d’ailleurs vous n’avez rien à avouer qui blesse l’honneur.

Je n’étais pas aussi persuadée qu’elle de l’indulgence du président d’Hacqueville : je ne pouvais croire qu’il voulût d’une femme qui avait poussé aussi loin le mépris de toute sorte de bienséance : je me flattais que l’aveu que j’en ferais le dégoûterait de m’épouser, et que, sans qu’il y eût de ma faute, ce mariage, dont je ne pouvais m’empêcher de sentir les avantages, et pour lequel j’avais cependant tant de répugnance, se trouverait rompu.

Il fallait ne guère connaître le cœur humain pour concevoir une pareille pensée. Les malheurs, les trahisons qu’une jolie femme a éprouvés ne la rendent que plus intéressante : les miens d’ailleurs n’étaient qu’une suite de ma bonne foi ; et, en peignant mon cœur si tendre, si sensible, je ne fis qu’augmenter le désir de s’en faire aimer, et j’en fis naître l’espérance. Le président d’Hacqueville m’écoutait avec une attention où il était aisé de démêler le plus tendre intérêt ; et, lorsque je voulais donner à mes folies leur véritable nom, il me les justifiait à moi-même : toute autre aurait fait ce que j’avais fait, se serait conduite comme moi : il faisait plus que de me le dire, il le pensait.

J’eus avec lui plusieurs conversations de cette espèce, qui durent le convaincre de ma franchise. Je fus convaincue aussi que j’étais aimée comme je pouvais