Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/371

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désirer de l’être. Mon esprit était persuadé ; mais il s’en fallait beaucoup que mon cœur fût touché. Eugénie et le commandeur de Piennes ne cessaient de me dire qu’il suffisait, quand on était honnête personne, d’estimer un mari ; mais, sans le dépit et la jalousie dont j’étais animée, leurs raisons eussent été sans succès.

Un homme de confiance que j’avais envoyé à Francfort, il y avait déjà quelque temps, revint alors : j’appris de lui que la femme de Barbasan était allée le joindre ; qu’elle avait amené avec elle l’enfant dont elle était accouchée, et qu’il n’avait pas été possible de découvrir le lieu où ils s’étaient retirés.

Cette attention de se cacher ne pouvait regarder que moi. Je crus qu’on craignait de ma part quelque trait de passion pareil à mon voyage de Francfort. Je voulais ôter à mon ingrat une crainte si humiliante : je voulais, quelque prix qu’il pût m’en coûter, le convaincre qu’il n’était plus aimé : je me figurais encore qu’il sentirait ma perte dès qu’elle deviendrait irréparable. Voilà ce qui me déroba la vue du précipice où j’allais me jeter, et ce qui m’arracha le consentement qu’on me demandait.

Mon courage se soutint assez bien pendant le peu de jours qui précédèrent mon mariage. Si je n’étais pas gaie, je ne montrais du moins aucune apparence de chagrin. M. d’Hacqueville était comblé de joie, et me peignait sa reconnaissance de façon à augmenter celle que je lui devais.

Mais quel changement produisit en moi ce oui terrible, ce oui qui me séparait pour jamais de ce que j’aimais ! Que devins-je, grand Dieu ! quand je me vis