Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/372

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dans ce lit que mon mari allait partager avec moi ! Toutes mes idées furent bouleversées. Je me trouvais seule coupable ; je trahissais Barbasan ; si je l’avais bien aimé, aurais-je dû m’autoriser de son exemple ? Il pouvait revenir à moi : je m’ôtais le plaisir de lui pardonner ; je m’ôtais du moins celui de penser à lui, de l’aimer sans crime. Étais-je digne de la tendresse de M. d’Hacqueville ? N’était-ce pas le tromper que de l’avoir épousé, le cœur rempli de passion pour un autre ?

Après avoir renvoyé tous ceux qui étaient dans la chambre, il me demanda la permission de se mettre au lit. Mes larmes et mes sanglots furent ma première réponse. L’état où vous me voyez, lui dis-je enfin, ne vous apprend que trop ce qui se passe dans mon cœur. Ayez compassion de ma malheureuse faiblesse ; n’exigez point ce que je n’accorderais qu’au devoir : laissez à mon cœur le temps de revenir de ses égarements : je suis trop pleine d’estime et d’amitié pour vous, pour n’en pas triompher.

Que me demandez-vous, madame, s’écria mon mari ! Comprenez-vous le supplice auquel vous me condamnez ? Il se tut après ce peu de mots : nous restâmes tous deux dans un morne silence. Je l’interrompis après quelques moments pour lui demander pardon. C’est à moi, madame, me dit-il, à vous le demander : je vous ai forcée par mes importunités à vous faire à vous-même la contrainte la plus affreuse. J’en suis bien puni. Ne craignez rien de ma part ; je ne serai du moins jamais votre tyran. Je vous prie seulement, ajouta-t-il en se levant pour passer dans un cabinet, et je vous