Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/374

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

honte ; je me reprochais sans cesse de faire le malheur de quelqu’un qui n’était occupé que de faire mon bonheur. Et quel obstacle encore s’opposait à mes devoirs ! une passion folle, dont mon amour-propre seul aurait dû triompher. La tristesse où M. d’Hacqueville était plongé, l’effort généreux qu’il faisait pour me la cacher excitaient ma pitié, et m’attendrissaient encore. L’estime, l’amitié, la reconnaissance, me composaient une sorte de sentiment qui me fit illusion ; et, à force de vouloir l’aimer, je me persuadais que je l’aimais ; je désirais sortir de l’état de contrainte où nous étions l’un et l’autre. Je lui avais d’abord parlé, sans beaucoup de peine, du penchant malheureux qui m’entraînait vers Barbasan ; quand je crus en avoir triomphé, je me trouvai embarrassée de le lui dire.

Nous avions passé l’automne dans une maison de campagne que mon mari, toujours occupé de me plaire, avait achetée, seulement parce que j’en avais loué la situation. Comme elle était à peu de distance de Paris, nous y avions toujours beaucoup de monde. J’en étais souvent importunée ; c’était, de plus, un obstacle au dessein qui me roulait dans l’esprit, et que la mélancolie de mon mari me pressait d’exécuter.

Enfin, quelques jours avant celui où nous avions fixé notre retour à Paris, nous nous trouvâmes seuls. J’étais restée dans ma chambre, pour quelque légère indisposition ; il vint m’y trouver, et s’assit au pied d’une chaise longue où j’étais couchée.

Mon Dieu ! lui dis-je, que le monde est quelquefois importun ! Je ne sais si vous êtes comme moi ; mais j’avais besoin d’un peu de solitude. Que ferons-nous