Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/380

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du mariage. Je disais que, s’il en eût été instruit plus tôt, il en eût parlé à M. de Barbasan, et lui eût par-là donné lieu de soupçonner que je me méfiais de lui.

Comment vous peindre ce qui se passait dans mon cœur ? Mes alarmes sur la réussite de notre entreprise, l’impatience d’en voir arriver le moment, et la joie que j’allais goûter d’être avec M. de Barbasan, de ne partager avec personne le plaisir de le servir, toutes ces différentes pensées me donnaient un trouble et une agitation peut-être plus difficiles à soutenir qu’un état purement de douleur. Le moment marqué pour notre fuite fut retardé par un accident qui faillit à me faire mourir de frayeur.

J’étais déjà dans la chambre de M. de Barbasan ; je lui avais donné un habit de religieux, à la faveur duquel il pouvait sortir comme s’il fût venu de confesser quelque prisonnier malade, lorsque mon père vint nous avertir qu’il avait ordre de ne se point coucher. Cet ordre, dont nous n’imaginions pas les motifs, nous fit craindre que notre dessein n’eût été découvert, et nous jeta dans le désespoir. Nous en fûmes heureusement quittes pour la peur : il ne s’agissait que d’un prisonnier qu’on devait amener cette même nuit : il arriva vers le minuit ; et son arrivée, qui occasionna plusieurs allées et venues dans la prison, servit encore à favoriser notre fuite.

Nous arrivâmes à Nancy sans aucune mauvaise rencontre, et sans que M. de Barbasan eût le moindre soupçon de mon déguisement. Après quelques heures de repos, nous remontâmes à cheval. Mon cher maître