Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/382

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les nouvelles qu’il attendait n’en étaient pas retardées, M. de Barbasan se résolut à se reposer. Je fus chargée, deux jours après, d’aller à la poste chercher ses lettres. Voici, madame, où commencent mes trahisons : j’en trouvai deux ; l’une de ce caractère à qui je voulais tant de mal, et l’autre de celui d’un homme. J’ouvris d’abord la première : ma curiosité était excitée par un intérêt trop pressant pour pouvoir m’en défendre. J’en fus punie : ce que je lus ne m’apprit que trop que celle qui l’avait écrite méritait d’être aimée, et je m’en désespérais. Je n’avais point encore pris mon parti de la supprimer : celle que j’ouvris ensuite m’y détermina.

Elle était d’un homme qui paraissait votre ami aussi-bien que celui de M. de Barbasan : il l’exhortait par honneur, par reconnaissance, par amour même, de renoncer à vous : Voulez-vous, lui disait-il, en faire une fugitive ? Voulez-vous qu’elle devienne la femme d’un proscrit ? Soyez assez généreux pour vous laisser soupçonner de légèreté. Nous ferons valoir, madame Eugénie et moi, votre changement, et nous tâcherons d’établir la tranquillité dans le cœur de quelqu’un à qui vous devez trop pour ne pas lui rendre le repos, quelque prix qu’il puisse vous en coûter.

Cette lettre, que je lus et relus, m’affranchit de tout scrupule. Bien loin de me repentir de ce que je venais de faire, je trouvai que je rendais un très-grand service à M. de Barbasan, de travailler à le guérir d’une passion qui ne pouvait jamais être heureuse. Le plus sûr moyen était de supprimer toutes vos lettres. Je commençai par celle que je tenais ; il me parut très