Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/383

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

important, au contraire, de lui rendre celle de cet ami, que je recachetai.

J’examinai, avec une attention inquiète, l’impression qu’elle faisait sur lui. Hélas ! il ne put la lire d’un œil sec ; sa douleur, son accablement, furent si extrêmes, et j’en étais si attendrie, qu’il y avait des moments où j’étais tentée de lui rendre celle que je retenais : mais ma passion, que je masquais de l’intérêt même de M. de Barbasan, m’arrêta et m’affermit dans le projet que j’avais formé. Tous les paquets qui arrivèrent furent supprimés. Je ne laissai passer que ceux de cet ami, dont les conseils étaient si conformes à mes desseins.

Le chagrin de M. de Barbasan aigrit son mal ; nous fûmes obligés de séjourner à Mayence pendant plusieurs mois. Nous en partîmes enfin ; mais à peine eûmes-nous fait deux journées que je me trouvai hors d’état de poursuivre le voyage. La fièvre qui me prit fut d’abord si violente, que M. de Barbasan, par humanité et par un sentiment d’amitié (car il en a eu pour moi aussi long-temps qu’il a ignoré qui j’étais) s’arrêta au bourg où nous étions, avec d’autant moins de peine que c’était le chemin des courriers.

Je fus plusieurs fois au moment d’expirer. Mes rêveries auraient découvert à M. de Barbasan et mon sexe et mes sentiments, s’il y avait fait attention ; mais je crois qu’il les ignorerait encore, si une femme qu’on avait mise auprès de moi pour me servir ne l’en eût instruit. Les soins qu’il faisait prendre de moi firent croire à cette femme que je lui étais fort chère : elle voulut se faire un mérite de garder notre secret. M. de Barbasan ne comprenait rien aux assurances