Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/384

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qu’elle ne cessait de lui donner de sa discrétion. Enfin, à force de questions, il l’obligea de lui parler clair. La découverte d’une chose qui me perdait d’honneur l’affligea sensiblement, et autant que s’il avait eu à se la reprocher. Il résolut, dès que je serais rétablie, de me chercher un mari, et de me mettre jusque-là dans un couvent.

À mesure que mon mal diminuait, ses visites furent plus courtes et moins fréquentes : j’en étais désespérée, et n’osais m’en plaindre d’autre façon que par la joie que je lui marquais lorsque je le voyais.

Quelques jours après que j’eus quitté la chambre, il me fit dire de passer dans la sienne : cet ordre n’avait rien qui dût m’étonner ; j’en fus cependant troublée ; un pressentiment m’avertissait du malheur qui me menaçait. Que devins-je, grand Dieu ! lorsque après m’avoir fait asseoir, et m’avoir dit qu’il n’ignorait plus ce que j’étais, il finit par m’annoncer qu’il fallait nous séparer.

Ma douleur fut presque sans bornes quand j’entendis ce funeste arrêt. Pourquoi, dis-je, a-t-on pris tant de soin de ma vie ? Pourquoi m’a-t-on arrachée à la mort ? C’était alors qu’il fallait m’abandonner ; je serais morte du moins avec la douceur de penser que, si vous eussiez connu mes sentiments, vous en auriez été touché, et j’ai au contraire l’affreuse certitude que je vous suis odieuse. Pourquoi, si vous ne me haïssez pas, vouloir que je vous quitte ? Pourquoi m’envier le bonheur de rester auprès de vous ? S’il faut, pour obtenir cette grâce, vous promettre que je ne vous donnerai jamais aucune connaissance de mes senti-